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chapitre dix-sept
Mardi 22 avril (Suite)
Cinq individus se déployèrent en silence à l'arrière du Range Rover. Ils étaient lourdement armés et tous vêtus de treillis sales qui leur conféraient une allure paramilitaire ce qui était vraisemblablement le but recherché. Deux d'entre eux se détachèrent et se portèrent à la hauteur de Coralie qui ne bougeait plus. L'un des deux était une jeune femme blonde d'une trentaine d'années qui avait approximativement enfoui ses longs cheveux sous une vague casquette de laquelle la pluie qui redoublait coulait en petites rigoles. De sa main gantée de noir, elle tapota la vitre de Coralie que la jeune femme ouvrit à moitié après avoir jeté un regard peu rassuré vers Larcher.
- On peut savoir ce qui se passe ? jeta-t-elle d'une voix qui se voulait tranquille.
- Vous allez où, étrangers ? demanda la blonde. Elle regardait Coralie en plissant ses paupières d'un air méfiant.
- Heu, on va à Orléans mais de quoi s'agit-t-il ? Et qu'est-ce que c'est que ce truc, là ? répondit Coralie en désignant du doigt les pendus.
La blonde ne répondit pas et, s'aidant du marche-pied, elle se hissa pour inspecter l'intérieur de leur véhicule. Elle avait un air méchant comme si ce qu'elle voyait ne lui plaisait pas, comme si cet examen de routine ne pourrait en aucun cas la faire revenir sur l'idée qu'elle s'était faite des intrus. Larcher serrait d'une main moite la crosse de son fusil à pompe dissimulé sous ses cartes routières.
- Et lui, c'est qui ? reprit la femme.
- C'est mon mari mais est-ce que je pourrais savoir...
- Vous êtes ici sur le territoire de la Commune Libre de Bellegarde, coupa la blonde en sautant d'un bond sur la chaussée. Elle fit un pas en arrière et se campa sur la route, jambes écartées et les deux mains sur les hanches. Son compagnon avait contourné la voiture et était venu se poster près de la portière de Larcher qu'il se mit à observer d'un air totalement inexpressif. Après quelques secondes d'un silence pesant, la blonde reprit la parole en hochant faiblement la tête.
- On n'aime pas beaucoup les étrangers par ici, observa-t-elle. On les aime même pas du tout. Elle tourna un court instant la tête vers le gibet avant de poursuivre. Et quant à ceux-là, c'est le sort qu'on réserve aux voleurs.
- Hein ? Mais les chiens...
- A tous les voleurs. A tous ceux qui violent nos lois. Hommes ou bêtes. Bon, est-ce que vous avez l'autorisation du Prévôt pour passer par ici ? Non, pas d'autorisation ?
Les trois hommes qui étaient restés en retrait se rapprochèrent du 4X4. Larcher entendit les claquements des culasses qu'on armait.
- Bon, dans ce cas, vous arrêtez votre moteur et vous descendez du véhicule. Tout de suite.
Coralie se rendit compte que la conversation prenait un tour extrêmement déplaisant et que leur situation allait devenir très vite des plus périlleuses. Sans quitter la blonde des yeux, elle passa une vitesse et écrasa la pédale d'accélération. Surprise, la femme fit un bond en arrière. Au même moment, Larcher qui était resté extraordinairement concentré sur tout ce qui les entourait, ouvrit brutalement sa portière qui, dans la brusque embardée de la voiture, heurta violemment l'homme se trouvant près d'elle. Celui-ci fut projeté dans le fossé, vidant dans un dernier réflexe son arme vers le ciel. Coralie accéléra en direction de l'entrée du village et au dernier moment obliqua brutalement sur sa droite, dans une petite voie pierreuse et défoncée qui se terminait visiblement dans les champs. Larcher, par la portière demi-ouverte déchargea son fusil vers l'arrière. Il n'avait visé personne en particulier mais il eut la surprise de voir la tête d'un des hommes qui s'était lancé à leur poursuite en tiraillant au hasard littéralement exploser sous l'impact de sa balle, éparpillant des débris de crâne et de cervelle sur ses compagnons qui hurlèrent de rage. Au brusque virage de la voiture, il faillit en être éjecté et ne dut son salut qu'à l'accoudoir de sa portière auquel il se raccrocha par miracle. Il n'avait pas lâché son fusil.
Au bout du chemin se tenait un pré dans lequel, malgré la pluie, du linge séchait. Sans hésiter, Coralie passa en position tous terrains et lança la voiture à pleine vitesse sur la terre détrempée. Derrière eux, la confusion était à son comble. Ils pouvaient entendre des hurlements, des détonations mais ils étaient déjà presque hors de portée. Les secousses étaient peu intenses car la jeune femme, comme si elle n'avait fait que cela toute sa vie, conduisait le 4X4 de main de maître, négociant calmement les difficultés du sol. Elle retrouva une route au bout de quelques centaines de mètres et, une fois sur le dur, emballa son moteur.
- Ca va, ça va, tu peux lever le pied maintenant. On est loin, cria Larcher.
Ils s'arrêtèrent trois kilomètres plus loin. Coralie coupa le contact et se coucha sur le volant, épuisée. Elle tremblait de tous ses membres. Larcher, lui aussi, sentait tout le poids de sa frayeur rétrospective. Essoufflé d'avoir si longtemps retenu sa respiration, il s'exprimait par a-coups.
- Merde. Putain, je... les avais pas vus venir... ces cons ! Ca nous apprendra à faire attention. En tous cas, chapeau ! Fallait du culot pour démarrer comme ça !
- C'était la trouille, tu veux dire. S'ils nous avaient fait descendre, on était foutus.
- Je te crois. Quand même, tu nous as sans doute sauvé la vie. Certainement même. T'as vu ces connards avec leur ville libre de je ne sais pas quoi ! C'est le règne des petits chefs à présent, des califats, des milices autoproclamées ! Heureusement, ceux-là avaient pas de voitures prêtes à nous intercepter mais faudrait pas que… Non, c’est pas possible qu’il y ait ça partout !
Il réalisa tout à coup qu'en raison de leur début de voyage plutôt plus facile que prévu, leur vigilance s'était relâchée, qu'ils s'étaient rassurés sans raison au point d'en être négligents. Leçon sans frais mais il leur fallait se reprendre, c'était indéniablement la condition primordiale de leur survie. Pour rejoindre les environs d'Orléans, ils s'astreignirent à faire un large détour afin d'éviter le village des miliciens qui devaient battre la campagne à leur recherche. Il leur en coûta plus de deux heures mais cela ne leur pesa pas.
Peu après leur entrée sur l'autoroute quelques kilomètres après Orléans, Larcher avait tiqué. Une dizaine de voitures vides étaient immobilisées au devant d'eux et il dût une nouvelle fois slalomer. Mais l'accident réel se situait de l'autre côté où la retenue s'étalait sur plusieurs kilomètres. Il se félicita de leur chance car il aurait été très contrarié de devoir quitter si vite la voie rapide. Non pas tant en raison du temps perdu que cela signifiait que du sur-place, de la stagnation qu’ils auraient eu l'impression de vivre. Ils avaient besoin d'une avancée rapide et d'un seul tenant pour se rassurer psychologiquement. Larcher avait fait le plein du véhicule lors du départ et, puisqu’il avait pris la précaution de remplir des jerrycans d’essence bien fixés à l’arrière de la voiture, il ne pensait pas avoir besoin de revenir à une station à essence avant leur arrivée à destination. Il se demandait combien de temps ils pourraient encore pomper ainsi du carburant avant que ne s’installe une pénurie qui les renverraient tous à l’ère préindustrielle : c’était exactement le genre de réflexions qui pouvaient démolir le moral du plus optimiste et, haussant mentalement les épaules, il décida plutôt de se concentrer sur sa conduite. Ils roulèrent sans problèmes particuliers durant les soixante kilomètres suivants, comme dans les temps anciens, un jour de semaine. Les épaves étaient peu nombreuses quoique souvent abandonnées n'importe comment mais on pouvait les voir de loin. Malgré son désir d'arriver au plus vite, Larcher engagea le Range dans un parc de stationnement peu après Blois. Il sentait chez sa compagne le besoin de souffler un peu, de laisser retomber cette grande tension si éprouvante de la conduite en terre inconnue et, pour tout dire, hostile. Chargée plus particulièrement de veiller au repérage de la moindre anomalie, elle avait, échaudée qu'elle était depuis leur passage à Bellegarde, souvent alerté son compagnon sur des dangers heureusement imaginaires. Il engagea la voiture sur la voie de dégagement et aperçut immédiatement sur sa gauche une grosse limousine bleue apparemment vide dont il s'approcha à petite vitesse. La voiture avait son capot tourné vers eux et, arrivant à quelques mètres d'elle, il se rendit compte de son erreur. Le cadavre desséché d'un homme, presque un squelette, le regardait de ses yeux vides. La mâchoire aux trois-quarts décrochée du cadavre s'ouvrait sur un trou noir des plus effrayants. Frissonnant, il relança son véhicule et rejoignit la voie principale en se maudissant. Ce n'était certes pas ce pauvre diable qui présentait une quelconque menace : ils avaient certainement plus à faire à se soucier des vivants. Il jeta un regard de côté sur sa compagne qui n'avait rien perdu de cette scène macabre mais qui ne fit aucun commentaire.
Le parc suivant était complètement vide et Larcher immobilisa le 4X4 avec un petit soupir de contentement. Descendant se dégourdir les jambes, il observa attentivement les environs. Tout était tranquille. On n'entendait que le bruit léger du vent dans les arbres et les cris des oiseaux après la pluie. Le petit bâtiment qui abritait les anciennes toilettes de l'autoroute se dressait devant lui, inoffensif. Satisfait, il chercha des yeux Coralie. La jeune femme s'était assise à même le sol, confortablement calée contre la roue avant du 4X4, et, cigarette aux lèvres, étudiait la carte routière passablement chiffonnée par les manipulations successives. Il s'approcha d'elle.
- Bon, Cora, moi, je vais pisser un coup. Mais derrière les arbres, hein, pas dans la baraque. T'inquiète, je m'éloigne pas. Après, on peut peut-être manger un morceau, qu'est-ce que tu en penses ?
Coralie releva les yeux, les fermant à moitié à cause de la fumée de sa cigarette, et lui sourit.
- OK. Je dresse la table.
Quand il revint, elle avait installé une couverture en guise de nappe et disposé quelques aliments pour le pique-nique. Drôle de pique-nique en vérité que ce repas tout contre leur automobile, les armes bien en évidence, avec les yeux aux aguets. Mais il leur fit beaucoup plus de bien qu'ils auraient pu le supposer. Coralie arrêta de mastiquer une des biscottes qu'elle avait copieusement étendue de pâté de foie pour rompre le silence qui s'était glissé entre eux depuis un petit moment.
- Dis-donc, et pour ce soir ?
- Quoi, ce soir ?
- On va pas dormir à la belle étoile, non ?
- Certainement pas. On sort de l'autoroute vers 5-6 heures, avant la nuit, et on cherche une baraque isolée, une ferme d'où on pourrait dégager rapidement en cas de besoin.
- On n'avait pas dit un des restos de l'autoroute ?
- Ben heu, je crois finalement que ce serait une connerie de se bloquer.
- Donc j'avais raison quand je te disais que...
- Tu avais raison.
Elle hocha la tête, satisfaite, et se leva.
- Bien. Moi aussi, j'ai besoin de m'isoler. Je te laisse ranger ?
Larcher remballa leurs maigres affaires à l'arrière de la voiture et s'empara d'un des trois gros jerrycans d’essence qu'il y avait entreposés, protégés par un empilement de caisses, de chiffons et de vêtements divers. Après avoir fait le plein du réservoir, il rajouta de l'huile dans le carter pour se donner bonne conscience. Coralie était revenue et posa sa tête sur son épaule.
- On pourra dire qu'on en aura vu tous les deux, murmura-t-elle.
Sans répondre, il la serra contre lui. Le grondement d'un tonnerre lointain roula longuement sous l'enchevêtrement de nuages lourds. Un rayon de soleil furtif réussit à s'extraire de la grisaille et illumina la campagne verdoyante et toute neuve, si belle en cette saison. Dans les bras l'un de l'autre, ils vécurent intensément ce petit moment paisible, îlot minuscule de tranquillité au sein de cette hargne et de cette cruauté. Presque du bonheur.
Larcher attendit d'être absolument certain avant de réveiller d'un geste du bras sa compagne profondément endormie. Elle se redressa d'un coup, les yeux embués.
- Des ennuis, je crois, laissa t-il tomber, laconique, en lui désignant son rétroviseur.
Derrière eux, d'abord microscopique, un point grossissait. La jeune femme observa l'arrière de la route une trentaine de secondes puis se retourna.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Sais pas. Mais on va savoir : ça se rapproche.
Le point se scinda en deux puis en trois motos qui s'approchèrent jusqu'à une cinquantaine de mètres derrière eux. Elles restèrent un long moment à conserver la distance. Les motards se portèrent enfin à leur hauteur. Leurs casques intégraux rendaient leurs visages totalement invisibles. Ils étaient vêtus de cuir et de jean et rappelèrent à Larcher et à Coralie des souvenirs désagréables. Les motards ne leur faisaient aucun signe, ne les regardaient même pas. Ils se contentaient de les encadrer, deux à gauche, l'autre à droite du Range qui roulait pleine voie. Larcher essaya d'accélérer, d'abord progressivement puis plus franchement, avant de ralentir mais sans plus de résultat. Leurs inquiétants compagnons, calquant leur vitesse sur celle de Larcher, se contentaient d'effectuer leur étrange escorte, patients, sans but apparent.
- Mais qu'est-ce qu’ils nous veulent, merde, à la fin, hurla Coralie.
- Je ne sais pas. Peut-être rien. En tous cas, il faut pas bouger tant qu'ils ne se montrent pas agressifs.
La jeune femme s'était écrasée sur son siège comme si le fait de se rendre toute petite la dispensait de se préoccuper de l'extérieur. Larcher, l’œil rivé à la route, en apparence détaché, n'en menait pas large. Il savait trop combien la rapidité et la maniabilité de ces engins les mettaient à la merci de leurs occupants. Une dizaine de kilomètres plus loin, ils eurent l'explication de cette promenade en commun. Devant eux, d'autres motos les attendaient. Trois d'entre elles avaient été disposées en travers de la route en un barrage redoutable. En voyant arriver le cortège, un petit groupe de motards à pieds leur fit signe de s'arrêter. Coralie, blanche de terreur, les yeux hallucinés, voyait grossir l'effrayant obstacle. Sans la regarder, Larcher, dents serrées, murmura :
- Accroche-toi. Je passe en force.
Dès qu'ils comprirent que le 4X4 ne s'arrêterait pas, les motards enfourchèrent leurs véhicules de réserve. Larcher choisit de se déporter sur la glissière latérale qu'il tutoya dans une immense gerbe d'étincelles au moment où il heurtait la moto la plus à droite. L'engin, frappé par sa roue arrière, fut projeté en l'air et retomba loin sur la gauche dans un grand bruit de ferraille. Ils étaient passés mais c'étaient à présent six motos qui s'étaient lancées à leur poursuite.
Dans un premier temps, renouvelant leur manœuvre du début, les motards se contentèrent de les suivre à distance, uniquement attentifs à ne pas se trouver dans le sillage immédiat de leur proie. Puis deux des engins se détachèrent dans le but évident de les doubler à pleine vitesse. Quand ils les dépassèrent, Coralie poussa un hurlement strident qui fit faire un écart à Larcher. Ce geste imprévu leur sauva certainement la vie. Ils virent une immense flamme surgir sur leur gauche. Malgré l'épaisse carrosserie, Larcher sentit le souffle chaud de l'explosion.
- Fumiers, hurla-t-il, ils nous balancent des cocktails Molotov !
Les deux motos de tête, assurées du succès de leur tentative, avaient commis l'erreur de ralentir. D'un mouvement de balayage, Larcher les rattrapa et les envoya l'une et l'autre dinguer sur les glissières. Il eut la satisfaction de voir du coin de l’œil un des motards voler, par dessus la barrière centrale, de l'autre côté de l'autoroute où il atterrit lourdement dans une glissade prodigieuse qui laissa un petit nuage de fumée bleue derrière elle. Larcher espérait que, malgré la protection de ses vêtements de cuir, il ne se relèverait pas avant longtemps. Quand au deuxième, il n'eut ni le temps, ni le désir de savoir ce qu'il advint de lui. Malgré la peur qui l'étreignait, il sentait un étrange sentiment l'envahir. Une partie de lui-même s'était comme détachée de sa terreur et n'aspirait plus qu'à un seul but : tuer. Détruire les représentants de ce monde absurde qu'il haïssait à présent de toutes ses forces. Les écraser comme des cafards. Ne plus subir. Passer enfin à l'action. Se venger au cours de cette lutte à mort de toutes les horreurs accumulées depuis de trop nombreux jours. Sans le vouloir, sans l'avoir consciemment prémédité, il entreprit une manœuvre paradoxale que son imprévisibilité rendait d'autant plus redoutable. Au lieu d'accélérer pour tenter d'échapper à ses poursuivants, il relâcha imperceptiblement sa pédale d'accélération. Coralie qui voyait leur véhicule ralentir hurla :
- Mais fonce, espèce de connard, tu vois pas qu'ils vont nous rattraper ?
Larcher ne l'écoutait pas. Subitement, il écrasa la pédale de frein du 4X4. La voiture partit en crabe dans un grand crissement de pneus et se présenta par son travers aux motos emportées par leur élan. L'une d'entre elles heurta de plein fouet la portière de Larcher et son conducteur fut projeté par dessus l’automobile qui repartait et reprenait de la vitesse. Larcher eut l'intense plaisir de sentir les roues du puissant véhicule passer sur son corps. Un simple ressaut mou, comme d'un petit animal qu'on écrase sans l'avoir vu. Il hurlait d'excitation. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre ce que criait Coralie.
- A droite, là, tout de suite. Y a une sortie.
Larcher, surpris, ne négocia qu'à la dernière seconde son virage sur la voie de dégagement. Les motards survivants, d'abord étonnés par la résistance de leur gibier, s'étaient désorganisés mais, éructant de fureur à la pensée du sort de leurs camarades, ils se regroupèrent pour aborder à leur tour la sortie. Dans le bas de la courbe très serrée de l'ouvrage d'autoroute, le 4X4 avait considérablement ralenti sa vitesse. Coralie en profita pour extraire la moitié de son corps par sa fenêtre, au mépris des lois de l'équilibre, et armée du fusil à pompe, elle visa soigneusement le premier motard qui apparaissait. Chance ou extraordinaire adresse de sa part, son projectile frappa en plein centre le réservoir de la moto qui s'embrasa d'un coup. L’œil sec, elle vit le motard, véritable torche vivante, sauter de son engin, faire deux pas, tituber et s'écrouler sur la route où il acheva de se consumer. Cette fois, les autres motards s'arrêtèrent près du corps supplicié, aux trois quarts calciné, de leur ami et, la rage au cœur, regardèrent s'éloigner leur gibier.
Larcher roula encore deux kilomètres mais, face aux suppliques incessantes de Coralie, il arrêta la voiture sur un chemin de traverse, derrière un petit bosquet. Elle sauta du véhicule avant qu'il ne soit totalement immobilisé pour aller vomir. Larcher se sentait exténué. Ecœuré aussi par toute cette barbarie. Il avait la tête vide et resta un long moment le regard fixe, choqué. Il partit à la recherche de sa compagne qu'il trouva accroupie derrière un arbre. Elle pleurait en hoquetant, incapable de reprendre son souffle.
- J'en ai marre. J'en peux plus. Je suis pas faite pour ça. Je peux pas. Je suis pas faite pour ça, répétait-elle au milieu de ses sanglots incontrôlables.
Il la saisit par les épaules. Blême, lui aussi, il ne savait pas quoi dire. Il la reconduisit enfin au 4X4 où elle s'effondra dans un mutisme absolu. Revenant à sa place, Larcher s'arrêta une seconde devant le Range Rover et caressa affectueusement l'aile avant de la voiture.
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