• chapitre vingt

    Lundi 28 avril

     

     

       On pouvait voir la rue principale sur pratiquement toute sa longueur. Elle s'étirait, sans le moindre signe de vie, sur plusieurs centaines de mètres. Deux voitures aux couleurs rendues imprécises par une trop longue exposition à la pluie et à la poussière étaient paisiblement garées à l'entrée du village. L'enseigne à moitié arrachée d'un poste à essence battait par intermittence au vent léger. Toutes les maisons avaient leurs volets clos mais la porte de l'une d'entre elle, toute proche, entrebâillée sur l'obscurité obsédante de son intérieur, venait rappeler qu'il n'y avait plus nulle part de lieu inviolable à moins de le défendre les armes à la main. Limoges lui fit un léger signe de sa mitraillette et, sans se soucier de sa réponse, se mit à avancer lentement dans la rue, à la manière des commandos, courbé en avant, arme pointée droit devant et le regard dirigé vers les étages supérieurs des habitations. C'était un petit homme maigre, d'âge moyen, vêtu d'une tenue paramilitaire dépareillée qu'il ne quittait jamais. Taciturne, il ne s'exprimait que par quelques monosyllabes jetés comme à regret et toujours pour une raison très justifiée. Il s'était présenté à la ferme deux semaines plus tôt et, après les quelques heures d'observation de rigueur, avait été accepté sans autre formalité. Son calme et son ardeur à la tâche l'avaient vite rendu indispensable. On ne savait pas si Limoges était son véritable nom ou s'il l'avait choisi en souvenir de la ville et cela n'avait d'ailleurs aucune importance. Larcher lui emboîta le pas, deux mètres derrière lui. Il ne discuta pas ces précautions de guerre civile qu'en d'autres temps il aurait trouvées parfaitement ridicules. Dans le même instant, de l'autre côté de la rue, Zigzag et Stephie, une très jeune fille brune dont l'apparente jeunesse cachait une volonté de fer, s'avançaient lentement en rasant les murs. Arrivé à la hauteur de la porte entrouverte, Limoges fit signe aux autres de s'arrêter puis, d'un violent coup de botte, il envoya s'écraser le panneau contre la pierre. Se protégeant dans l'encoignure, il  braqua sa mitraillette vers l'intérieur. Rien ne bougea. Une fois de plus, Larcher sentit une profonde nostalgie l'envahir à la pensée de ce qu'était devenu son pays. Ils descendirent le reste de la rue, toujours aussi silencieux et prudents. Limoges se tourna enfin vers ses compagnons et, d'une voix indifférente, déclara :

    - Personne.

    On aurait pu croire qu'il le regrettait presque. Zigzag haussa les épaules. C'était un individu étrange. Dès la première fois où il l'avait aperçu, Larcher avait ressenti à son égard un mélange d'attirance et de répulsion qu'il ne pouvait expliquer. Bien qu'il soit probablement assez jeune, on ne pouvait pas vraiment lui donner un âge précis. C'était peut-être dû à son physique curieux qui combinait une apparente fragilité sous la forme d'un grand corps très maigre, presque squelettique, décharné, et une dureté sous-jacente, une puissance à fleur de peau, la volonté de celui qui a connu tant d'épreuves, vu tant de souffrances, qu'il en est resté quelque part indifférent à tout. Le teint mat, il s'habillait toujours de noir, et arborait en toutes circonstances une casquette de base-ball ornée des seuls mots "Black Indians", noire elle-aussi. On avait expliqué à Larcher qu'il devait son étrange surnom au fait que, lorsqu'il conduisait une voiture, à chaque fois qu'il croyait discerner un élément suspect - reflet inattendu ou mouvement inhabituel - il tournait brutalement son volant de gauche à droite, en un geste inconscient destiné à le mettre à l'abri d'un éventuel projectile. Il mettait mal à l'aise ceux qui le connaissaient peu. Il se tourna vers les maisons qu'il contempla un bref instant avant de murmurer entre ses dents, comme pour lui-même :

    - M'ouais. Je crois aussi.

    Larcher sentit se relâcher la tension de ses muscles bien qu'il s'inquiéta sérieusement d'une éventuelle présence hostile retranchée quelque part au sein de ces pierres muettes. Les trois autres ne paraissaient pas s'en soucier. C'était sa première mission d'exploration avec le groupe. Joy leur avait dit que deux ou trois hommes vraisemblablement armés avaient été aperçus marchant dans la direction du village par une de leurs voitures et ils avaient décidé d'aller voir de plus près de quoi il s'agissait. Il laissa courir son regard sur les murs anonymes. Après son voyage éprouvant avec Coralie, il aurait préféré rester se reposer sur la plage et essayer d'oublier cette misère mais il comprenait aussi que ce genre d'expédition, pour dangereux et désagréable qu'il fut, était une des conditions de leur relative tranquillité, et peut-être aussi un moyen de le tester, lui, Larcher. La jeune fille brune lui toucha le bras en souriant.

    - Alors, quelle impression ça fait d'être plongé dans la guerre ? lui demanda-t-elle. Parce que c'est la guerre, tu sais. Même si on n'est pas vraiment d'accord...

    Zigzag venait d'entrer dans une petite boulangerie, un des deux magasins du village avec le Tabac-Buvette dont on pouvait apercevoir la civette intacte, un peu plus bas, de l'autre côté de la rue. Il en ressortit presque aussitôt et, devant l’œil interrogateur de Limoges, il crut bon de préciser :

    - Allez pas là-dedans, c'est plein de cadavres !

    - Hein ? Récents ? demanda Larcher alarmé.

    - Mais non, répondit Zigzag, ceux-là, ce sont plus que des squelettes ou presque. Sont morts dès le début, probable.

    Il riait de sa plaisanterie. Stephie, désignant le Tabac, proposa :

    - Si on allait plutôt boire un coup la-bas ? On trouvera bien une ou deux boites de bière...

    Le Tabac avait été vandalisé et ils eurent du mal à se faire une place au milieu du mobilier renversé, des débris de verre, des objets éparpillés par des mains avides de pillage. Poussant un petit cri de victoire, Stephie revint de sa recherche avec une demi-douzaine de bouteilles de soda. Larcher, assis avec ses compagnons autour d'une table bancale, se sentait infiniment plus à l'aise dans la petite salle dévastée qu'en terrain découvert.

    - Vous avez eu souvent des problèmes au cours de ce type d'expéditions ? adressa-t-il à Zigzag

    - Pas souvent heureusement, répondit ce dernier en reposant sa bouteille de Seven-Up. Mais, faut être quand même très prudent, on sait jamais ce qui peut arriver. Tiens, demande à Stephie, tu verras.

    Larcher tourna les yeux vers la jeune fille dont le visage s'était assombri. Devant son silence, il s'apprêtait à changer de sujet quand, baissant la tête,  elle reprit la parole d'un ton contracté.

    - Il fait allusion à des écolos qui ont eu des ennuis, il y a trois semaines. On venait juste de rencontrer Willy et quelques autres. Moi, comme j'habite la région depuis toujours, je leur servais de guide pour trouver une baraque qui aurait pu nous convenir comme position de repli. Tu comprends, on était déjà une trentaine de personnes au total et on voulait se regrouper. Alors, à une quinzaine de kilomètres au nord d'ici, près d'Escource, un bled pas très loin de l'autoroute, on a vu une ferme qui aurait pu faire l'affaire. Mais, y avait déjà des gens. Des sortes de hippies, tu vois, l'homme, la femme et trois petits gosses. On n'a pas été mal reçus. Plutôt bien, même. Le type, c'était une caricature de John Lennon. Petites lunettes cerclées et tout le tremblement. Le genre on est tous des frères, faut profiter de la situation pour s'entraider, pour tout recommencer sur des bases nouvelles, etc. La femme, elle, elle était étrangère, une Suédoise ou une Allemande, je sais pas. Elle parlait pas français. Vachement gentils, les gens, en fait. Willy et moi, on a pourtant insisté, que c'était dangereux, qu'il fallait pas rester tout seuls comme ça. Mais le type, il souriait. Il disait qu'il voulait vivre en paix avec sa petite famille, qu'il voulait du mal à personne, qu'il avait pas d'armes parce qu'il aurait pas su s'en servir. Enfin, tout ça, quoi. Alors, on les a laissés, qu'est-ce que tu voulais qu'on fasse d'autre ? Mais, on a décidé de repasser plus tard, pour voir si tout allait bien. Je revois encore les gosses qui riaient quand nous sommes partis et les gens qui nous faisaient des grands signes d'adieu. Ils devaient nous prendre pour des cinglés, pour des fauteurs de guerre. Et puis on a trouvé notre ferme, le 128. On n'a plus repensé à eux pendant quelques jours. Le temps de s'organiser un peu, tu comprends ? Un jour, on devait aller de ce côté là et Willy nous a dit : "Si on allait dire bonjour à nos écolos pour voir comment ils se débrouillent ?". Hop, on y va. A deux kilomètres de leur maison, on a vu une fumée au loin. Mais une grosse fumée, hein, à tous les coups celle d'un incendie. Alors, on s'est approchés mais méfiants, tu peux me croire. J'étais sûre qu'il y avait du grabuge et, effectivement, d'un peu plus près...

    Stephie se pencha vers le siège avant droit du Toyota où Willy, à l'aide d'une énorme paire de jumelles, cherchait à se faire une idée sur l'origine du panache de fumée noire qui tournoyait dans tous les sens, rabattu par des vents contraires. Elle lui désigna trois voitures qui s'éloignaient sur une route latérale. Willy lui répondit par un léger signe de tête et s'adressa à Presley, le conducteur, un vieux jeune homme chauve qui marchait en tirant la jambe, souvenir d'une mauvaise chute de cheval survenue des années auparavant.

    - Ralentis et gare toi un peu plus loin. On continuera à pied.

    Il se tourna vers l'arrière pour savoir si le deuxième véhicule, qui les suivait à distance, avait compris la manœuvre. Les voitures furent garées sur le bord de la route, tout contre l'entrée d'un champ encore protégé par une barrière soigneusement fermée. Les cinq hommes et la jeune fille se regroupèrent devant le capot du Toyota.

    - On va voir ce qui se passe, commanda Willy. Bernard et moi, on passe par la gauche. Vous deux par la droite mais gaffe, hein ? Stephie et Presley, vous restez pour surveiller les voitures. En cas de problème, deux coups de klaxon, d'accord ?

    - Non, moi, je viens avec vous, affirma Stephie d'un ton décidé.

    Willy la fixa en silence deux à trois secondes puis reprit :

    - OK, tu viens.

    C'était la grange qui brûlait. Les flammes déjà hautes s'élevaient vers le ciel dans un crépitement assourdissant. La fumée intense était par moments rabattue dans la cour centrale. Toussant et crachant, Willy et ses deux compagnons virent les deux autres les rejoindre. Ils avaient contourné la ferme sans rien remarquer d'autre d'anormal. Willy se retourna vers la jeune fille.

    - Steph, tu restes dans la cour et tu surveilles. Nous, on va voir à l'intérieur.

    Les quatre hommes s'approchèrent de la porte ouverte. Appelant pour prévenir les occupants, Willy entra. La première chose qu'il vit en pénétrant, ce fut un tout petit chien blanc et noir étendu en travers, apparemment coupé en deux par un coup de hache. Il enjamba le misérable cadavre, revolver braqué, essayant d'accoutumer ses yeux à la faible lumière de la pièce. S'avançant lentement, il faillit glisser sur une immense flaque de sang, ne se rattrapant qu'au tout dernier moment. C'était une boucherie atroce. Devant lui, affalé dans le bas de l'escalier, le hippie était allongé jambes et bras écartés, couvert de tant de blessures à l'arme blanche qu'on avait l'impression d'une unique et gigantesque plaie. Le sang, abondamment répandu ne permettait plus de distinguer la couleur de ses vêtements. Chose incroyable, il respirait encore. Quand Willy s'approcha de lui, l'homme eut un petit mouvement de la tête comme s'il voulait dire quelque chose. Willy se pencha. Dans une espèce de croassement, l'homme essaya de parler mais on ne pouvait pas le comprendre. Il arriva quand même à chuchoter dans un ultime effort :

    - Les enfants... Les enfants...

    Epuisé, il ferma les yeux et s'immobilisa définitivement dans un spasme presque imperceptible. Willy ne pouvait plus rien pour lui. Il scruta du regard dans le désordre. Un peu plus loin, le corps dénudé de la femme était étendu, inerte. Avec horreur, Willy s'aperçut qu'elle avait été décapitée. Il se redressa au bord de la nausée et regarda ses hommes qui étaient restés pétrifiés près de l'entrée. L'odeur acre du sang rendait sa respiration malaisée et, pris de faiblesse, Willy sut qu'il devait immédiatement rallier  l'extérieur. C'est alors qu'il entendit crier Stephie. Quand il sortit, muette d'effroi, elle désignait du bras la grange en feu. Au premier étage ouvert du bâtiment, les silhouettes de deux des enfants s'agitaient. Le bruit de l'incendie couvrait leurs cris et leurs pleurs. S'avançant le plus près possible, Willy hurla, imité par les autres.

    - Sautez ! Sautez vite tout de suite ! N'ayez pas peur, on vous rattrapera. Vite. Sautez !

    Un des deux enfants - on ne voyait pas le troisième - hésitait. En pleurant, il s'approchait du bord puis reculait. Durant un moment infime, le temps donna l'impression de se figer puis, soudain, dans un énorme appel d'air, toute la grange s'enflamma. Quelques secondes plus tard, elle s'écroulait dans une formidable gerbe d'étincelles. Willy se retourna vers Stéphie qui oscillait sur elle-même, au bord de l'évanouissement. Il la rattrapa de justesse. Il pleurait à chaudes larmes en la serrant contre lui et criait :

    - Je les avais prévenus, merde, je les avais prévenus ! Pourquoi mais pourquoi ?

    Bernard, un grand blond en chemise à carreaux, tentait d'expliquer aux autres qui avaient regardé impuissants cette scène abominable :

    - Les salauds ! Les salauds ! Quand ils ont vu que les mômes étaient planqués dans la grange, ils y ont foutu le feu. Par pure saloperie ! Faut être vraiment dégueulasse pour faire ça, nom de Dieu ! Mais qui ça peut être ces ordures, putain !

    - On saura jamais, répondit Willy. Ils sont loin à présent.

    Devant tant de violence, il serrait ses poings de rage, jusqu'à en blanchir les jointures de ses doigts.

    - Allez, il faut enterrer ces malheureux, poursuivit-il. On leur doit bien ça. Dire qu'à une heure près...

       Stephie lui prit le bras en murmurant doucement :

    - On pouvait rien faire, Willy. Ca serait arrivé à un moment ou à un autre, tu sais. Ils voulaient pas t'écouter.

    Ils enveloppèrent les corps avec des couvertures trouvées dans une des chambres du haut. Assis sur le pas de la porte, Willy observait, consterné, les ruines de la grange qui achevait de se consumer. Stéphie s'était écartée et jouait machinalement du pied avec une pierre, les yeux fixés sur le sol inégal de la cour. Au moment où les deux autres hommes de Willy revenaient avec des pelles, Bernard, qui était resté dans la maison et qui furetait près de l'escalier, fit un bond en arrière et hurla :

    - Willy, y a un mec, là !

    Tous se précipitèrent. Un homme était effectivement étendu sous l'escalier, probablement abandonné par ses comparses dans leur fuite hâtive. Se sentant découvert, il s'avança vers eux en rampant, une jambe cassée. Willy s'approcha de lui en sifflant doucement.

    - Mais on dirait qu'il s'est bien défendu, notre écolo. Il en a amochées quelques unes de ces ordures.

    Il décocha un coup de pied à la forme étendue devant lui qui poussa un petit cri geignard. L'homme devait avoir environ vingt-cinq ans. Ses cheveux noirs collés de sueur lui tombaient sur les yeux et une terreur abjecte avait envahi son visage. Appuyé sur un coude, il regardait Willy en levant son autre bras dans un puéril geste de défense. Sans que personne ne lui ait rien demandé, il se mit à crier d'une voix aiguë, les mots se bousculant dans sa bouche au point d'en devenir incompréhensibles.

    - C'est pas moi, je le jure ! Je voulais pas ! C'est les autres ! Y m'ont forcé ! J'étais leur prisonnier, je pouvais rien faire !

    Dans l'espace confiné, le fracas de la détonation fut assourdissant. La tête de l'homme explosa littéralement, projetant des débris sanglants partout. Les oreilles sifflantes, Willy se retourna vers Bernard dont le pistolet fumait.

    - Excuse, Willy, lança ce dernier, mais je pouvais plus écouter cette charogne.

    - T'as bien fait, répondit Willy.

    Larcher regardait par la fenêtre brisée du Tabac. Il en avait assez de ces horreurs, de ces scènes de cauchemars mille fois répétées. Pourtant, il semblait impossible de les éviter dans ce monde en folie. Quand ces tueries se termineraient elles donc ? se répétait-il. Stéphie avait baissé la tête puis, fixant à nouveau Larcher, elle poursuivit :

    - Tu comprends pourquoi c'est la guerre ? Tant qu'il y aura des salauds comme ça qui se baladent... Willy dit que le pire, c'est de penser que ces gens sont des gens normaux. Pas des Viraux. Enfin, pas tous. Des salauds qui profitent du malheur des autres. Willy, il dit aussi qu'avant, ces gens-là, c'étaient des gens bien calmes, qui faisaient consciencieusement leur petit boulot. Qui avaient des femmes ou des maris, des enfants. Qui allaient avec eux en vacances au mois d'août et qui disaient toujours poliment bonjour à leurs voisins.

    - Et qui cassaient aussi de temps en temps dans les banlieues, coupa Limoges. Y a rien de nouveau sous le soleil.

    Ses trois compagnons le regardèrent avec surprise. C'était une des phrases les plus longues qu'ils lui aient jamais entendu dire.

     

      

    Mercredi 30 avril

     

     

    A deux kilomètres de l'embranchement, Larcher aperçut un véhicule qui venait à sa rencontre. Il freina puis arrêta le break Volvo qu'il rapatriait du 128. Il pouvait à présent mieux distinguer l'engin qui, à cent mètres environ, lui faisait face.  C'était une camionnette rouge parfaitement inconnue. Son conducteur avait également ralenti puis, comme pris d'une inspiration subite, il relança son véhicule et, sans plus s'occuper de Larcher, le dépassa dans un emballement de moteur. Larcher regarda la camionnette disparaître dans son rétroviseur. Surpris de cette présence inattendue, il mit quelques secondes avant de réenclencher la boite automatique de sa voiture. Deux minutes plus tard, il s'engagea dans le chemin de terre, fortement secoué, comme il l'avait prévu, par les inégalités du sol. Au 128, il n'y avait plus de 4X4 disponible et il avait dû se contenter du seul break accessible. Il secoua la tête. Tant pis. De toute façon, la Volvo ne devait leur servir que de véhicule de secours. Au dernier tournant, il distingua la maison dont les fenêtres brillaient au soleil du début de l'après-midi. Tout paraissait calme, tranquille, et, pourtant, d'un coup, un pressentiment s'empara de lui. Leur 4X4 était toujours au même endroit, bien rangé comme lorsqu'il était parti une heure et demie plus tôt, mais Coralie, qui aurait dû guetter son retour, ne se montra pas. Son cœur s'accéléra quand il devina plus qu'il ne la vit la porte d'entrée grande ouverte, d'une manière tout à fait inhabituelle. Il ne prit que le temps d'arrêter son moteur et se rua vers la maison. Les chaises renversées, de la vaisselle brisée, confirmèrent ses soupçons. Hurlant de peur, il parcourut fébrilement les pièces du bas avant de s'élancer dans les chambres du premier étage. Là, tout était en ordre mais pas de Coralie. Au bord de l'évanouissement, agité par une angoisse extrême, il ressortit de la maison, tournant autour d'elle au hasard, dans une confusion totale. Il criait le nom de son amie mais seuls le silence et le bruissement du vent dans les arbres lui répondaient. Maintenant, il en était sûr, Coralie avait disparu. Enlevée, blessée, peut-être. Mais comment ? Par où les salopards étaient-ils arrivés pour qu'elle ne les entende pas, qu'elle se laisse faire sans se défendre ? Mais il était complètement stupide. Bien sûr qu'elle s'était défendue. Le désordre du mobilier au rez-de-chaussée était là pour en témoigner. Par la plage ? Ils étaient arrivés par la plage ? A moins que... La camionnette rouge ! Il y repensa soudain. C'était ça. Il s'appuya contre un des murs de la maison et passa une main tremblante sur son visage en sueur. Que faire ? Se lancer à leur poursuite. Tout de suite. Ils n'avaient pas beaucoup d'avance. Dix minutes, un quart d'heure à tout casser. C'était jouable. Il s'élança en direction de la Volvo dont la portière encore ouverte semblait l'attendre puis s'arrêta net. Prévenir les autres. Prévenir Willy. Sans savoir comment, il se retrouva au premier, face au matériel de CB. Ses doigts fébriles n'arrivaient pas à effectuer les manœuvres nécessaires. Enfin, au comble du désespoir, il entendit la voix de Joy.

    - Joy, Joy, vite, préviens les autres. Coralie a disparu. On l'a enlevée.

    - Hein, c'est toi, Julien ? Mais qu'est-ce que...

    - On a enlevé Coralie que je te dis. A l'instant. Je crois même que j'ai repéré leur bagnole. J'y vais.

    - Julien, attends. On arrive. Ne pars pas seul. Il faut absolument que...

    - Préviens les autres. J'y vais. Tout de suite. Y a encore une chance... Vers le sud, merde. Vers Saint Julien.

    - Non, attends...

    Mais Larcher avait déjà rejeté son micro et s'était élancé dans l'escalier. Il ne prit pas la peine de refermer la porte d'entrée : qu'est-ce qu'il en avait à foutre à présent ? Un bond jusqu'à la voiture, puis, au dernier moment, il obliqua vers le 4X4, sûrement plus résistant et tout aussi rapide. Mais il n'en avait pas les clés. Pas le temps de fouiller la maison. Retour vers la voiture.  Ensuite le chemin de terre à toute vitesse malgré les plaintes de l'automobile malmenée. Parvenu à l'intersection de la route, il ralentit, conscient tout à coup que, s'il voulait rattraper les salopards, il devait ménager son véhicule. Il regarda un bref instant la route déserte et s'engagea, désespéré, sur la droite. Il avait l'impression de revivre une scène passée. En réalité, il le comprenait à présent, malgré tout ce qu'il avait espéré, il n'était jamais sorti du cauchemar.

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